Notre demeure

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Dans la brume silencieuse du matin, antérieure à la création des mondes, il semble que seuls-es quelques aventuriers-ères du coeur, osent mettre un pied, de temps à autre, dans le vaste jardin de l’être. Non pas celui de l’Éden au Moyen-orient ou au coeur spirituel d’une quelconque civilisation, mais bien dans celui qui n’a pas de nom.

Un lieu si simple et si près de nous, qu’on le projette hors de soi comme l’air que l’on respire. Le plus précieux don de vie, à la base même de la respiration cellulaire passe pour ni vu ni connu tout comme l’être au fond de chacun de nous.

Au regard de cette simple mais cependant immense découverte en soi… que de créations inutiles au fil des siècles, que de pas insignifiants fièrement exposés dans nos musées. Vaste système compensatoire, amoncellement de troubles et de guerres infinis, … pour un simple verre d’eau à la source de la vie.

Suis-je aller assez loin et assez profond en nous-mêmes pour faire voir l’inutilité de toutes conceptions et actions humaines vides de présence et de conscience réelle. Quelque soit le lieu et l’état de l’évolution de notre culture, l’être humain demeure quasi totalement ignorant et absent des fondements de l’être en lui-même, pourtant si simples et seuls réels.

La pensée qui plane sous nos intentions, qui elle-même plane au-dessus du lieu de naissance de nos créations, est et sera toujours un handicap pour l’humanité.

Malgré toute la bonne volonté, malgré toute l’ingéniosité et le savoir faire humain, rien ne semble venir à bout du sentiment de vide existentiel que chacun porte en son for intérieur, … lieu qui pourtant est aussi plein et vivifiant que la vastitude de la mer.

Nos mondes sont des roues infernales dont les bruyants moyeux grincent tout au long de notre histoire par le manque de présence et d’attention, seules bases et avenir réel pour l’humanité.

Chercher la vie à l’abri de la mort est le premier pas de la course éphémère entreprise par nos différentes civilisations. Civiliser… oui… mais de quelle manière? Où est la présence dans nos demeures intimes, lieux de créations de nos différents États et Nations qui s’entrechoquent depuis la nuit des temps. Tout cela exprime toujours et encore l’absence de présence et de conscience à l’être réel, derrière nos pensées, à la base de nos constructions personnelles et sociales.

Pourquoi prendre le parfum – tous nos arts et métiers – pour la fleur, celle qui est déjà en plénitude au coeur de toute chose?

Pourquoi toutes ces quêtes et conquêtes, hors du lieu de notre naissance, hors de soi, de l’être et de la vie?

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La réponse à ces questions, nous le savons tous et depuis fort longtemps est au fond de nous-mêmes. Dans le silence de notre être. Qui ne connait pas, dans son intimité, le secret de sa personne? Qui ne connait mieux que soi-même, la vérité et le sens des choses de sa propre vie?

L’ordre antique, actuel et futur de l’univers est au fond de nous-mêmes comme partout ailleurs. Dans la moindre structure vivante jusqu’aux confins de l’espace. Mais Il ne manque semble-t-il que notre présence, c’est-à-dire:

la tranquille conscience de ce qui est déjà en plénitude au fond de chacun de nous.

Alors, pourquoi n’osons-nous pas aller jusqu’au lieu de naissance de nos constructions superficielles et éphémères pour développer en chacun de nous un lieu conscient de créations profondes et permanentes?

Osons voir en face la partie lumineuse en soi comme la partie sombre, créée et constamment projetée à l’extérieur de soi.

C’est une très vieille mécanique qu’il nous faut apprivoiser et revoir de fond en comble.

Le soi, sous ses multiples facettes, est aussi proche que lointain. Il réside dans un espace infini et indéfinissable pour l’esprit. On ne le perçoit réellement et pleinement que dans le silence. C’est le seul lieu réel de création fait d’attention, de respect et d’application. Comparé à lui, tous nos autres espaces de vie ne sont que distractions, divertissements et illusions. Semblant de vie, jamais pleinement vécu où l’anxiété veille constamment sous l’écorce si vite durcie.

Ce qu’il nous faut avant toute chose, c’est la création d’un espace de liberté intérieure en chacun de nous. Une liberté fait d’un respect si grand qu’il n’est point nécessaire de créer de distance en nous.

Qu’a-t-on inventé pour traverser l’espace entre vous et moi? Pourquoi vouloir atteindre une quelconque planète ou un univers lointain avant soi-même? Avant d’avoir découvert les fondements de notre être, seuls responsables et créateurs de nos mondes.

Ne serait-ce pas une fuite? Une projection de notre manque intérieur, de cette assise fondamentale qui seule procure sécurité et joie de vivre.

Affronter nos peurs réelles est souvent moindre que nos peurs imaginaires. La confiance en soi et le sentiment de sécurité intérieure n’est que l’apprivoisement de la dynamique naturelle vie-mort en soi-même. De ce qui naît en nous, souvent à notre insu, se développe mais doit cependant mourir en toute présence et conscience. Mais pour cela il faut oser aller au-delà des apparences et des habitudes, des solutions faciles et superficielles pour voir en face la couleur des choses.

Cette frange de lumière spécifique à chaque instant sans projeter d’ombres sur elle.

Sans créer de toute pièce un espace de division entre les différents éléments constituants de nos vies.

Mourir à soi-même, ce n’est pas s’anéantir volontairement, mais bien mourir tout simplement à nos créations inutiles et nuisibles que l’on projette sur les autres. Et le seul vrai créateur réside non pas en soi-même comme entité individuelle selon notre art ou notre métier, mais plutôt dans l’espace de plénitude infini perçu entre nous comme entité universelle. Et cet espace est bien réel. Il est fait de liberté, d’authenticité et d’amour au sens inclusif du terme, c’est-à-dire : universel.

Par un simple petit pas en arrière de ce que l’on prend pour soi-même, tout l’univers s’en trouve transformé.

À partir du développement du sens de la liberté jusqu’au développement du sens de l’universel, il y a ce petit pas qui nous concerne tous personnellement et que nul autre ne peut faire à notre place. Le lieu de création intime qui passe par le développement du sens de l’authenticité. De ce qui est vrai et réel dans les profondeurs de l’être. De ce qui en chacun de nous fait corps avec la réalité qui transcende sujet et objet. De ce qui, par une attention et une rectitude personnelle quotidienne se joint volontairement au mouvement universel.

Voilà compris et assumé le sens réel et profond de la mort au creux de la vie comme la nouvelle pousse sur le tronc vieilli.

Et cela n’est pas du vent ou de la poésie, mais une prise et une action réelle sur la vie. La seule incidence véritable que nous ayons personnellement sur le devenir de l’humanité et sur nos vies au quotidien.

Pour le moment, notre vie quotidienne et notre avenir n’est que la répétition d’un ancien réflexe de protection vitale qui s’exprime subtilement par cette petite anxiété sous-jacente à nos moindres pensées et actions. Système principalement réactionnaire – comme toutes nos révolutions – où notre action sur la vie demeure toujours plus ou moins superficielle et partielle. Jamais pleinement ressentie et assumée parce que refoulée et emmêlée dans la pelote de notre individualité.

Ce moi, si fortement affirmé n’est que la lente création de l’envers de soi. Un reflet que l’on juge, mesure et tente de contrôler en vain les excès et les effets destructeurs.

À l’inverse, nous entrons dans le monde réel, ou tout est vu pour ce qu’il est entièrement et vraiment. Un tout indivisible, non mesurable et infini.

Laissons les choses mesurables à leur juste place. Que la science soit au service de la conscience.

Il nous suffit de voir – une seule fois – la nature et la réalité de notre être pour inverser le cours de nos vies.

Bien sûr, nos habitudes et coutumes ancestrales de se définir et d’agir superficiellement vont perdurer un certain temps. Mais un petit pas en entraine un autre et la conscience qui vient avec, oriente nos autres pas. La direction n’est jamais donnée, tout est circonstanciel et spécifique.

Les solutions trouvées pour résoudre nos conflits sociaux, ne vont jamais au fond des choses et ne permettent pas de régler l’ordre nécessaire à la bonne marche de la vie. Ce sont des efforts louables, mais superficiels et dispersés parce que le problème fondamental est rarement perçu dans son entièreté.

Pour voir l’entièreté et l’indivisibilité des choses, il faut les voir par soi-même, en soi-même. En faire l’expérience concrète jusqu’à les faire siennes.

Aucune expérience n’est cachée ou inaccessible à l’être. Nous sommes le résumé et la conscience portante du vécu humain. Nul n’est isolé au fond de soi-même car tous se rejoignent dans l’un et le multiple. Reconnaissance intime et profonde de ce qui en chacun de nous le fait de plus en plus à la fois un et multiple, c’est-à-dire: universel.

Aller jusque-là constamment au fond de soi, entreprendre chaque chose à partir de ce lieu intime de l’être, dans le silence intérieur, c’est vivre, se développer et mourir sciemment au quotidien.

La plénitude de l’être est ce mouvement, partout présent dans la nature. Il n’y manque, en tant qu’humain, que notre propre présence. De là l’esprit de la maison, de la demeure au fond de soi qui prend vie sur de nouvelles fondations faites de conscience, de paix et de joie de vivre.

L’utopie dans cette démarche, ce serait de continuer de nous considérer principalement comme des êtres de mémoire, de souvenirs et de manières de faire qui tiennent du temps. Alors que tout nait en chacun de nous, d’une façon informelle, intemporelle et spontanée à partir du lieu de notre intimité.

Les créateurs de mondes que nous sommes devenus ne sont que l’image inversée de la réalité et de notre identité. Et seul le silence et la compréhension de ses effets donne accès à cette réalité et à cette identité profonde.

Curieusement et heureusement pour nous, cette capacité à percevoir notre identité profonde nous interpelle subtilement depuis la nuit des temps. Nous en percevons quelques brides par le biais des arts et de la culture mais cela a toujours été perçu comme quelque chose d’exceptionnelle plus ou moins élitique. Et cela vécu et assumé chez les plus humains d’entre nous, nous semble tout simplement surhumain.

Pourtant, le fait commun historique de la découverte des fondements de l’être en soi est tout autre. Du jour où l’on se décide personnellement – et pourquoi pas collectivement – à entrevoir la vie par l’autre face de l’être, celle en profondeur, on découvre l’espace de liberté, d’authenticité et d’amour nécessaire à notre croissance.

C’est un renversement, une renaissance et un nouveau départ énergisant. Car l’énergie perdue au travers de nos aléas mentaux se trouve libérée et disponible pour un autre type de création.

Nous n’avons plus besoin d’arts ou de cultures spécifiques, mesurables car tout devient art et culture, parce que puisé et élaboré à même le silence intérieur, hors du temps et de l’espace mental superficiel et éphémère.

C’est aussi une nouvelle manière de voir l’économie dans la vie sociale. Nul besoin de tant d’argent, de finance ou de trésor public. Tout émerge de la nécessité, de l’utile et du bien pensé. Car la pensée a toujours sa place dans ce nouveau mode de vivre, mais comme légèrement en retrait de soi comme toutes choses créées et sans attachements.

Quelle différence ? Quel changement dans la manière de voir, d’agir et de vivre nos activités quotidiennes. Tout devient clair, nouveau, frais et accessible. Le manque universel se rempli par notre propre présence et donne sens à toutes choses.

C’est ainsi qu’apparait progressivement l’espace de liberté intérieure qui nous invite à développer le sens de l’authenticité puis à découvrir comme un nouveau départ ce qu’il y a d’universel en chacun de nous.

Un immense champ d’exploration où chacun devient une frange spécifique de lumière.

Un parcours simple, accessible à tous, en tout lieu et en tout temps.

Quoi de mieux pour débuter une nouvelle vie!